Tout au long de leur vie, les femmes subissent et sont victimes de sexisme. À ce traitement injuste s’ajoute, en vieillissant, le phénomène de l'âgisme qui consiste à traiter négativement des personnes en raison de leur âge. L’âgisme et le sexisme ont des effets négatifs sur la santé mentale (1). On constate par exemple plus de symptômes dépressifs et anxieux, plus de stress, et moins de bien-être chez les personnes victimes d’âgisme (2). Mais pourquoi  ?

Vieillir au féminin: quels enjeux ?

Deux problématiques majeures qui impactent le bien-être des femmes qui vieillissent ont été soulevées par les participant·es lors de l'événement :‍

1) Des femmes invisibles

Premier constat: passé la quarantaine, les femmes disparaissent de l’espace public, des médias et des consciences. Que ce soit à la tv, dans les publicités, les films, les femmes qui vieillissent sont très peu représentées.

Même dans les milieux féministes, on aborde très peu les problématiques qui touchent les femmes plus âgées. Pourtant, selon une enquête publiée récemment par la RTS, “plus d’une victime de féminicide sur cinq a dépassé l’âge de la retraite” (3). Les femmes âgées sont donc les premières cibles d’homicide conjugal en Suisse.

“Je n’ai jamais vu une pancarte de manifestation ni un tract qui s'inquiétait du féminicide au grand âge.” - Cornelia Hummel, Professeure associée au Département de sociologie de l’Université de Genève, spécialiste du vieillissement

2) La tyrannie de l’apparence

Deuxième constat: l’apparence des femmes reste, même au grand âge, sujette à tous les commentaires, notamment en lien avec les signes du vieillissement (cheveux gris, rides, etc.).

“Encore et toujours l’apparence des femmes est soumise à des commentaires, même si ce sont des commentaires positifs, on ne nous fiche pas vraiment la paix en fait” - Ghislaine Heger, vidéaste, photographe et cheffe de projet au sein de l’association Tokyo Moon, à l’origine de l’exposition « SILVER POWER – Des Romandes fières de leurs cheveux gris »

Les injonctions contradictoires ont été identifiées comme particulièrement difficiles à naviguer : il faut vieillir naturellement mais quand même avoir une peau de pêche, c’est courageux d’avoir les cheveux gris mais il faut qu’ils soient beaux et soyeux, etc.

Quelles solutions pour vieillir plus sereinement ?

Trois pistes d’action principales ont été proposées pour répondre aux enjeux du vieillissement au féminin.

1) Aimer son corps

L’importance du corps a été longuement discutée, d’abord en raison des discriminations liées à l’apparence que vivent les femmes, mais aussi pour souligner que le corps, c’est plus que l’apparence. Aimer et accepter le corps vieillissant est ainsi un premier pas vers un vieillissement plus serein.

“Le corps c'est pas l'apparence, c'est notre maison ! C'est comme ça qu'on se présente dans le monde !” - une participante au talk

Accepter ce corps qui vieillit, c’est aussi reconnaître que l’on peut avoir besoin d’aide, y compris médicamenteuse pour vieillir sereinement. Les transitions difficiles, comme la ménopause, peuvent notamment avoir un impact sévère sur notre santé mentale, et nécessiter la prise d’antidépresseurs.

2) Informer et transmettre

Connaître les bonnes informations permet de vivre le vieillissement plus sereinement. Par exemple, si l’on sait à quels symptômes s’attendre durant la ménopause, cela nous évitera de paniquer lorsqu’elle aura lieu. C’est pourquoi informer et parler des changements liés au vieillissement est si important. Cette transmission ne se fait pas uniquement au niveau de l’espace public, mais aussi à petite échelle, entre femmes, dans la famille, au contact de celles qui nous entourent.

De même, les représentations dans les médias, mais aussi dans notre entourage au quotidien sont essentielles. Les modèles positifs permettent de mieux accepter le vieillissement. Par exemple, si notre grand-mère a toujours fièrement assumé ses cheveux gris, nous aurons moins peur de faire de même.

“Plus on refuse le vieillissement plus on va contribuer à renforcer le vieillissement comme étant quelque chose de négatif et qu’on va repousser le plus loin possible” - Cornelia Hummel

3) Se soutenir et partager

Être plus bienveillantes les unes envers les autres, cesser de se comparer et d'être en compétition permanente pour savoir qui vieillit “mieux”, tout simplement se retrouver et discuter dans des espaces bienveillants, voilà comment mieux vivre le vieillissement. Se soutenir est d’autant plus important que nous ne sommes pas toutes aussi bien armées pour faire face aux difficultés liées au vieillissement.

“N’oubliez pas que vos sœurs moins privilégiées sont moins bien équipées que vous et tout autant, voire plus, atteintes par toutes les inégalités sociales dont on a parlé” - Cornelia Hummel

Les femmes aussi ont le droit de vieillir

N'ayons pas peur de l’affirmer : les femmes vieillissent, et elles ont le droit de vieillir sereinement.

“Ce qui n’est pas ok, c’est de se forcer, ne pas respecter ses limites, de se dire qu’il faut continuer à être super active alors que le corps est fatigué. Chacune fait avec, à sa façon. Il n’y a pas à “réussir sa vieillesse”. - Cornelia Hummel

Mais attention, il ne s’agit pas de “réussir” son vieillissement mais de le revendiquer pour qu’il soit accepté par la société. C’est cette acceptation plus large qui permettra alors de le vivre plus sereinement, et de préserver notre santé mentale.

“Ma solution aujourd’hui c’est d’accueillir ce qui vient… le corps sait…accepter de sentir, accepter aussi la peur.” - une participante au talk