Un cercle vicieux

Il existe un lien important entre santé mentale et endettement (1,2). Ce lien va dans les 2 sens. En bref, la situation d’endettement influence la santé mentale d’une personne et, en retour, la santé mentale d’une personne influence sa situation d’endettement.

Avoir des dettes a un impact négatif sur notre santé mentale (1), et ce à travers différents mécanismes :

Une personne endettée ou surendettée fait face à un stress élevé lié à sa situation précaire et doit prioriser sa survie immédiate. Elle risque donc de :

• renoncer à des soins médicaux dont elle a besoin (1)
• mal s’alimenter car les produits les plus sains sont habituellement les plus chers (1).

Une personne (sur)endettée peut subir de la stigmatisation. En effet, dans nos sociétés, l’endettement est faussement considéré comme relevant uniquement de la responsabilité de la personne qui “ne sait pas gérer son argent”. À cette étiquette d’incompétence financière, s’ajoute le préjugé que la personne ne serait pas “digne de confiance”, voire corruptible. Cela a des conséquences concrètes (1) :

• sentiment de honte et d’échec
• difficultés administratives : être mis·e sur liste noire qui empêche de prendre des engagements financiers (abonnement de téléphone, leasing, etc.)
• difficultés à accéder à un logement et à un emploi
• risque de perte du permis de séjour pour les étranger·ères
• incapacité  se projeter et se sentir légitime

"Dans l'ensemble de la population, 2,3% des personnes présentent des symptômes de dépression majeure. Chez les personnes surendettées, ce chiffre est de 24%." (3)

Mais être en mauvaise santé mentale peut également être le déclencheur d’un endettement, ou empirer une situation d’endettement. En effet, très souvent, ce sont des coups durs de la vie (maladie, accident, etc.) qui provoquent les premières difficultés financières et administratives menant à l’endettement et au surendettement (4).

De plus, la diminution de la santé implique une diminution de l’énergie et de la capacité à gérer les questions administratives, ce qui va encore empirer les difficultés financières et administratives (1).

Santé mentale et dettes forment donc un cercle vicieux, avec des conséquences dramatiques sur le bien-être des personnes et de leur entourage, et sur la situation financière de l’ensemble de la société (1,5).

Un véritable problème de société

Contrairement aux idées reçues, les causes de l’endettement et du surendettement ne sont pas liées uniquement aux compétences financières et à l’impulsivité des individus (6). D’autres éléments jouent un rôle central :

• Les aléas de la vie : souvent, c’est un coup dur de la vie qui mène à la dégradation de la situation financière, par exemple une maladie, un accident, un divorce ou la perte d’un emploi (6).
• L’environnement économique et social et nos conditions de vie : l’état du marché du travail, la hausse des loyers ou encore l’augmentation des primes d’assurance maladie (6) qui touchent plus durement les personnes à faible revenu.

Dernièrement, vivre sans s’endetter est devenu difficile en Suisse. En effet, l’augmentation des primes d’assurance maladie dépasse largement les augmentations salariales (7), menant à un risque accru d’endettement des particuliers. Par exemple, en 2023, 30% des poursuites à Neuchâtel concernent l’assurance maladie (8).

“Les mises en poursuites liées à la LAMal représentent 0,7 à 1 million de mises en poursuite par année en Suisse.” (7)

Agir pour diminuer l’endettement et favoriser la santé mentale

Comme l’endettement et la santé mentale sont liés, agir sur l’un permet d’agir également sur l’autre. En améliorant la santé mentale de la population, on prévient ainsi les risques d’endettement, et en diminuant l’endettement, on favorise la santé mentale (2) !

Actuellement, force est de constater que les personnes endettées ou surendettées bénéficient de très peu de soutien de la part de la société par rapport aux créanciers (c’est-à-dire ceux envers qui la dette est contractée). On constate 3 défauts principaux du système :

• Même avec les subsides existants, l’aide est insuffisante
• La complexité du système lui-même est un véritable obstacle pour les gens
• Il n’y a aucun moyen de sortir des dettes pour les particuliers (désendettement)

Quelques actions concrètes pour améliorer la situation

Prévenir l’endettement :

• Inciter les personnes à demander de l’aide le plus tôt possible, avant que l’endettement ne devienne dramatique
• Rendre plus intelligible le système actuel de dettes et faillite
• Améliorer les compétences financières de la population : tout le monde ne grandit pas dans un environnement qui fournit les connaissances nécessaires pour gérer ses finances. L’éducation et la famille ont beaucoup d’impact sur le fait d’acquérir ces compétences. En Suisse, les ménages à faible revenu, les ménages moins instruits ainsi que les femmes ont en moyenne de moins bonnes compétences financières (9). Ainsi, cette mesure s'adresse principalement à ces populations plus vulnérables à l’endettement
• Identifier et agir sur les problématiques structurelles qui favorisent l’endettement

Faciliter la sortie de l’endettement :

• Proposer un accompagnement psychosocial des personnes endettées afin de les conseiller et de les aider à sortir de l’endettement
• Permettre aux assuré·es de changer d’assurance maladie même s’ils et elles sont en défaut de paiement, afin qu’ils et elles puissent se diriger vers une assurance moins chère
• Mettre en place une procédure de désendettement

Minds soutient la modification de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite

Genève s’inscrit comme précurseur en matière de lutte contre l’endettement, puisqu’elle est l’un des rares cantons avec Neuchâtel à bénéficier d’une loi sur la prévention et la lutte contre le surendettement (10). Mais il est plus que temps d’aller plus loin en mettant en place un processus de désendettement permettant une 2ème chance.

Le projet de modification de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite prévoit 2 amendements :

1. La simplification de la procédure existante
2. L’introduction d’une nouvelle procédure d’annulation des dettes restantes.

Il n’existe pas actuellement en Suisse de moyen de sortir des dettes pour les particuliers. Ainsi, même les personnes surendettées depuis des années, pour lesquelles il n’existe pourtant aucun espoir réaliste de remboursement, se retrouvent bloquées dans une situation sans issue. Or, cette situation ne bénéficie à personne : au contraire, elle représente des coûts non seulement pour les personnes endettées mais aussi pour les créanciers et l’Etat lui-même (charge de travail supplémentaire, frais de procédures, etc.).

“On estime le nombre de particuliers surendettés en Suisse à un peu plus de 6% pour ces dernières années.” (5)

La modification de la loi propose d’introduire une procédure qui permettrait à des personnes répondant à des critères précis d’effacer leurs dettes et de reprendre le cours de leur vie. Convaincue que cette procédure est essentielle au bien-être de la population dans son ensemble, et à la création d’une société plus juste et inclusive, minds soutient ce projet et espère vivement qu’il sera adopté et mis en place dans les années à venir.